Dans un contexte de rendements négatifs, de crainte de récession et d’inflation, la situation financière des régimes de retraite à prestations déterminées continue de s’améliorer : Mercer
L’indice Mercer sur la santé financière des régimes de retraite, qui mesure le degré de solvabilité médian des régimes de retraite à prestations déterminées (PD) figurant dans la base de données des régimes de retraite de Mercer, est passé de 119 % au 30 juin 2023 à 125 % au 30 septembre 2023. Au début de l’année, l’indice Mercer sur la santé financière des régimes de retraite s’établissait à 113 %.
Ces résultats remarquables défient quelque peu la logique, étant donné que les actifs des caisses de retraite ont généré des rendements en majorité négatifs au cours du trimestre. Toutefois, les taux obligataires ont augmenté pendant le trimestre, ce qui a poussé les passifs des régimes PD à la baisse. Cette baisse, de concert avec une chute du coût estimatif de souscription de rentes, a plus que compensé l’effet des rendements négatifs des actifs, ce qui a entraîné, dans l’ensemble, une meilleure capitalisation.
Les régimes qui ont recours à l’effet de levier pour la composante des titres à revenu fixe de leurs actifs n’auront pas constaté cette amélioration.
À la fin du troisième trimestre, on estime que 88 % des régimes dans la base de données des régimes de retraite de Mercer présentent un excédent d’actif selon l’approche de solvabilité (contre 85 % à la fin du T2). On estime également qu’environ 5 % des régimes montrent un degré de solvabilité entre 90 % et 100 %, que 2 % des régimes obtiennent un degré de solvabilité entre 80 % et 90 % et que 5 % des régimes obtiennent un degré de solvabilité inférieur à 80 %.
« Jusqu’à maintenant, la situation financière des régimes de retraite PD se porte très bien en 2023, souligne F. Hubert Tremblay, membre du partenariat, Mercer Canada. Cependant, à l’aube du quatrième trimestre, on est en droit de se demander si la lune de miel se poursuivra jusqu’à la fin de l’année. »
Au moment d’entamer le quatrième trimestre, l’économie mondiale est toujours chancelante. Une récession ne peut être complètement écartée, même si les faibles taux de chômage se maintiennent. L’inflation demeure élevée, peut-être même à nouveau en augmentation, et au-delà des taux cibles des banques centrales. Aussi, la situation géopolitique toujours tendue fait en sorte que le commerce mondial et la confiance diminuent et que les chaînes d’approvisionnement à l’échelle mondiale se fragmentent, ce qui entraîne une plus grande diminution du commerce mondial. De plus, le conflit en Ukraine, qui fait rage depuis plus d’un an, ne montre pas de signes d’essoufflement : il ne fait qu’ajouter de l’incertitude sur le plan économique à la crise géopolitique et humanitaire.
En Amérique du Nord, les grèves dans le secteur de la fabrication automobile aux États-Unis connaîtront-elles un dénouement rapide? Dans l’éventualité du prolongement de ces perturbations, l’économie américaine ralentira-t-elle? Entraîneront-elles une réaction en chaîne à plus grande échelle, alors que d’autres groupes de travailleurs et organisations pourraient vouloir emboîter le pas? Et quelles seront les conséquences de ces grèves sur les taux de chômage et d’inflation? Au Canada, quelle sera l’incidence de l’accord conclu récemment entre Unifor et Ford Canada sur les prochaines négociations des conditions de travail? La ratification in extremis de l’entente par les employés de Ford membres du syndicat Unifor fait en sorte que les travailleurs canadiens s’attendent de plus en plus à obtenir de fortes hausses des salaires de la part de leur employeur. Ces attentes se concrétiseront-elles et, le cas échéant, causeront-elles davantage de pressions inflationnistes? L’entente comprend également des hausses des taux de prestations fixes au titre du régime PD de la société, ce qui intéressera les promoteurs de régimes PD à rente uniforme.
Les banques centrales à l’échelle mondiale persistent et signent en maintenant des taux directeurs élevés. Les gouvernements, les entreprises et les ménages doivent déjà s’ajuster à ces nouveaux taux d’intérêt. Jusqu’à quel niveau les banques centrales devront-elles hausser les taux et pendant combien de temps devront-elles maintenir ces taux élevés? Et ces taux auront-ils l’effet escompté, soit de ralentir leurs économies respectives?
Compte tenu de l’effet à retardement des variations de taux d’intérêt sur les économies, les banques centrales devront s’assurer que leurs ajustements (et le resserrement quantitatif) ne font pas basculer l’économie mondiale dans une profonde récession, car l’incidence de ces mesures ne se fera pas complètement sentir dans l’immédiat. Selon l’avis de bon nombre d’observateurs des marchés, les autorités ont apporté plus d’assouplissements quantitatifs que nécessaire durant la pandémie de COVID-19.
Au Canada, la situation financière de la plupart des régimes PD se porte bien, alors que bon nombre d’entre eux affichent un excédent. Les promoteurs qui ont déposé des évaluations en fin d’exercice 2022 ont fixé leurs obligations quant aux cotisations pour quelques années et ils sont nombreux à avoir atteint un niveau de capitalisation qui rend les congés de cotisations possibles (ce qui n’était pas arrivé depuis un bon moment). Les promoteurs de régimes PD ne devraient toutefois pas se reposer sur leurs lauriers. Les marchés peuvent être volatils et comme les régimes présentent un excédent, le moment est plus que jamais propice à la prise de mesures, notamment la réduction des risques et le transfert du risque associé aux régimes de retraite. En agissant dès maintenant, les transactions peuvent se faire à coûts réduits ou nuls.
De plus, les promoteurs de régimes ne doivent pas oublier l’importance de mettre en place des systèmes appropriés de gouvernance et de gestion des risques, car les organismes de réglementation surveillent ces systèmes de plus près.
Les promoteurs de régimes PD canadiens doivent aussi se tenir au courant de l’adoption du projet de loi C-228, qui accorde une super-priorité au règlement des déficits des régimes de retraite, soit avant le remboursement d’autres créanciers garantis dans le cadre d’une faillite ou d’une insolvabilité. La date d’entrée en vigueur du projet de loi n’est que dans quatre ans (pour la plupart des régimes PD). Les conséquences possibles de ce projet de loi sont donc loin de se faire sentir pour bon nombre de régimes en situation d’excédent à l’heure actuelle. Toutefois, si ces régimes devaient renouer avec un déficit, les promoteurs pourraient ressentir fortement la secousse provoquée par le projet de loi et leur capacité à mobiliser des capitaux pourrait être compromise. De plus, l’obtention de ces capitaux pourrait leur coûter cher.
« Selon les prévisions, les taux d’intérêt risquent de demeurer élevés à court et à moyen terme. Les promoteurs de régimes devraient donc revoir leur tolérance au risque ainsi que les risques auxquels ils font face et prendre des mesures pour couvrir ou transférer les risques qu’ils ne souhaitent pas prendre, souligne M. Tremblay. Sinon, ils courent le risque de le regretter lorsque la conjoncture favorable aux régimes PD se terminera. »
Du point de vue des placements
La croissance de la production a ralenti à l’échelle mondiale, et les indices prospectifs des directeurs d’achats laissent entrevoir une faiblesse soutenue. La confiance des consommateurs continue de s’amenuiser et on semble voir de plus en plus de signes de détresse de la part des consommateurs, notamment la hausse des paiements en souffrance de comptes de carte de crédit et de prêts-autos. Le rendement des marchés émergents s’est aussi retrouvé en zone négative, en raison des faibles résultats générés par la Chine, résultats qui découlent d’un ralentissement économique qui se prolonge et qui a entraîné une baisse des dépenses de consommation et des difficultés pour le secteur immobilier. De manière générale, les rendements obligataires ont été négatifs à mesure que les taux de rendement ont augmenté. La courbe des taux demeure inversée, alors que dans l’ensemble les taux d’intérêt ont grimpé au cours du trimestre. Les rendements des marchés mondiaux des produits de base se sont avérés positifs à la fin du trimestre, principalement grâce à la hausse des prix du pétrole. Les prix de l’énergie ont augmenté après une annonce de l’OPEP concernant une réduction de la production. Les FPI ont, quant à eux, affiché des rendements négatifs, en raison de l’incidence soutenue des taux élevés sur les valorisations et des taux d’occupation des immeubles de bureaux qui demeurent faibles.
La majorité des secteurs du marché des actions canadiennes ont affiché des rendements négatifs, à l’exception des secteurs de l’énergie et des soins de santé. Les préoccupations concernant l’exposition de la dette des ménages canadiens à des taux d’intérêt plus élevés, l’affaiblissement du marché du travail et la hausse des salaires sont toujours présentes. Dans l’ensemble, le rendement des produits de base a surpassé les attentes au cours du trimestre, tandis que le secteur des technologies de l’information a reculé et que les tendances en matière d’intelligence artificielle se sont atténuées. Dans le secteur immobilier, les nouvelles constructions ont reculé par rapport à l’année précédente, et le volume des ventes est resté faible, mais le nombre d’inscriptions a augmenté. Dans le secteur de l’immobilier commercial, les valorisations varient grandement selon l’emplacement et le type de propriété, et le crédit demeure disponible pour les actifs de grande qualité. Le nombre de logements vacants dans les secteurs des immeubles industriels et des immeubles locatifs résidentiels demeure très faible.
Le marché des titres de créance canadiens a connu de grandes variations de taux alors que les attentes quant à l’inflation et les changements de taux d’intérêt ont nui au rendement. La courbe de rendement est demeurée inversée et a maintenu des taux élevés, toutes échéances confondues. Ce sont les titres à moyen et à long terme qui ont pâti le plus. Cette situation a donc eu des répercussions particulièrement importantes sur les prix des titres à revenu fixe à long terme, ce qui est venu compenser tous les gains réalisés depuis le début de l’année, puisque les valorisations ont été ajustées en fonction des nouveaux taux réels. Le dollar canadien s’est déprécié par rapport au dollar américain, ce qui a porté les rendements des actions étrangères en dollars canadiens à la hausse.
« La contre-performance des actions des marchés émergents par rapport à celles des marchés développés continue de frustrer les investisseurs en 2023. Bien que le rendement des marchés développés ait été stimulé par la reprise de quelques titres de sociétés américaines à grande capitalisation du secteur des technologies, la réouverture du marché émergent que constitue la Chine et les interventions en matière de politiques ont été décevantes. Malgré la faiblesse, les arguments en faveur d’une répartition dans des titres des marchés émergents demeurent », souligne Jean-Pierre Talon, membre du partenariat, Mercer Canada. « Les marchés émergents autres que la Chine ont contenu l’inflation dès le début et peuvent maintenant réduire les taux pour appuyer leur économie. Pendant ce temps, en Chine, la capacité excédentaire et l’absence d’inflation donnent aux autorités l’occasion d’adopter une politique budgétaire d’aide à grande échelle. Ces facteurs fondamentaux sont également appuyés par des valorisations relativement intéressantes et des positions modestes. »
Après une hausse des taux en juin, la Banque du Canada a récidivé en relevant les taux de 25 points de base en juillet. En septembre, la banque centrale a décidé de suspendre les hausses de taux d’intérêt, en raison du ralentissement du PIB et des marchés du travail au cours du trimestre. La Réserve fédérale américaine a maintenu une position semblable, en haussant les taux de 25 points de base en juillet et en prenant une pause en septembre. Après 14 hausses de taux d’intérêt consécutives, la Banque d’Angleterre a décidé de maintenir les taux en septembre, après avoir pris connaissance de nouvelles données qui montraient un ralentissement de l’inflation inférieur aux attentes.
Indice Mercer sur la santé financière des régimes de retraite
L’indice Mercer sur la santé financière des régimes de retraite suit le degré de solvabilité médian des régimes de retraite qui figurent dans la base de données des régimes de retraite de Mercer, soit une base de données qui comprend des renseignements financiers, démographiques et autres sur les régimes de retraite des clients de Mercer au Canada. La base de données contient des renseignements sur près de 500 régimes de retraite au Canada, dans tous les secteurs d’activité, notamment les secteurs public, privé et celui des organismes sans but lucratif. Les renseignements sur chaque régime de retraite figurant dans la base de données sont mis à jour chaque fois qu’une nouvelle évaluation actuarielle de la capitalisation est effectuée au titre du régime.
Des prévisions de la situation financière de chaque régime sont établies en fonction de sa plus récente date d’évaluation, ce qui reflète l’accumulation estimative des prestations par les participants actifs, les paiements estimatifs de prestations aux retraités et aux bénéficiaires, une provision pour intérêts, une estimation de l’incidence des changements de taux d’intérêt, des estimations des cotisations de l’employeur et de l’employé (le cas échéant) et des rendements prévus des placements en fonction de la composition des placements visée, en présumant que la composition cible pour chaque régime demeure la même au cours de la période de projection. Les rendements des placements utilisés dans les projections sont fondés sur les rendements indiciels des catégories d’actif spécifiées comme catégories d’actif cibles des régimes individuels (ou qui s’en rapprochent étroitement).